J
ung, co-auteur de la bande dessinée, retourne en Corée du Sud, son pays natal, qu’il a quitté enfant après avoir été adopté en Belgique. Là-bas, il croise la route de Joy, une jeune femme formée dans une école de danse K-pop, dont le parcours bascule brutalement lorsqu’elle découvre qu’elle est enceinte. Livrée à elle-même, confrontée au silence du père, elle tente de trouver une issue dans une nation où l’avortement, comme le fait d’être mère célibataire, reste encore très mal perçu. Leur rencontre marque un croisement inattendu qui les transforme tous les deux.
Destins coréens aborde des thématiques fortes : la quête d’identité, la pression sociale, le contrôle de l'anatomie féminine, les contradictions d’une société moderne encore soumise à des normes conservatrices. Le point de vue de Joy insuffle une dimension intimiste, qui pousse le lecteur à l’accompagner dans ses questionnements autour de l’adoption et de la maternité. Cet opus vient prolonger la réflexion entamée dans Couleur de peau : miel et approfondit la relation entre les deux protagonistes, esquissée dans le dernier volume de la série. Même si certains dialogues peuvent parfois manquer de naturel, ce qui peut freiner l’implication du lecteur, cela n’atténue en rien la puissance du propos.
Le dessin du bédéiste vient équilibrer le tout. Son trait, simple, rond et expressif, privilégie la sincérité à l’effet. Il capte avec délicatesse les émotions, les doutes, les silences. Quant à la palette utilisée par la coloriste — oscillant entre noir et gris — elle confère au récit une sobriété élégante, tandis que le jaune, utilisé avec parcimonie, éclaire divers détails, sentiments avec une subtilité précieuse.
Cette œuvre résonne également avec le deuxième tome de la série Nos adoptions, coécrit par Jung et son épouse Laëtitia Marty. en proposant cette fois le prisme des familles biologiques ayant dû se séparer de leurs enfants.
Destins croisés rappelle avec justesse combien la liberté des femmes à disposer librement de leur corps demeure un droit encore trop souvent ignoré voire entravé.
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