"On ne corrige pas celui qu'on prend, on corrige les autres par lui". Ces propos de Montaigne furent également ceux que Simone Lagrange adressa à Marek Halter, désigné porte-parole de la communauté juive, devant le tribunal de Lyon le 10 mai 1987, la veille du procès contre Klaus Barbie. Cette citation résume à elle seule le contenu du cet album.
En effet, ce troisième tome de Simone débute en 1983 à la crypte du Mémorial du Martyr juif inconnu dans le quatrième arrondissement de Paris. En ce lieu, l'ancienne déportée termine son discours sur les raisons qui l'ont poussée à témoigner. Lorsqu'elle remonte, une vieille connaissance l'attend, Macha, qui trente-neuf ans auparavant, l'a aidée à s'en sortir, à Auschwitz. Les retrouvailles ravivent les souvenirs. Puis arrive le vendredi 22 mai 1987 où Simone témoigne au dixième jour du procès du Boucher de Lyon.
Bâtir un scénario pour un album historique n'est pas chose aisée. Un grand nombre d'entre eux tourne au documentaire en images dont ils sont saturés, rendant la lecture pesante. Ici, il n'en est rien, c'est même l'inverse ! La construction pensée et réalisée par Jean David Morvan est des plus pertinentes. Évitant le déroulé chronologique, il a opté pour des allers-retours dans le temps, en fonction des dialogues des protagonistes vivant dans les années 1980. Cette technique de va-et-vient donne un rythme particulier, qui renforce l’accroche du lecteur tout en livrant des pans du passé de Simy et des explications sur des acteurs importants du système génocidaire nazi. C'est le cas pour Rudolf Höss, le commandant du camp. L'habilité de ce schéma narratif est remarquable puisqu'il permet d’apporter des précisions au moment opportun sans que cela soit lourd pour les jeunes lecteurs. Ces derniers n'ont que peu étudié l'immédiat après-guerre en classe. En effet, les programmes n'évoquent guère la période d'après déportation, les questions qu'ils se posent ne manquent pourtant pas.
Ici, ce thème est traité d'une manière rarement vue, que seuls les témoins invités parfois en classe racontaient : la manière dont on sort du camp à l’approche des alliés, les marches de la mort, les rencontres avec les soldats russes et anglais, les maladies, la premières fois où une jeune rescapée se regarde dans un miroir après des années passées au camp, le périple des retours et les chocs occasionnés. Au début de l'album, Simone explique ce qui l'a poussée à témoigner, particulièrement l'importance de "contrer la propagande immonde des négationnistes". De manière astucieuse, renforcée par les propos de la postface, le scénariste traite cette thématique et signe scénario remarquable, un sans-faute.
La force de ce titre réside dans la qualité du scénario combiné à un style graphique plaisant et adapté aux jeunes lecteurs. De son trait rond et doux, David Evrard parvient à transmettre un grand nombre d’émotions, sans avoir à forcer ou à user d'effets visuels. Ses planches témoignent d' une réflexion visant à offrir une accessibilité sans faille, s'appuyant sur un équilibre entre la rigueur imposées par les évènements et leurs cadres d'un côté et le public ciblé de l'autre. Cela fonctionne d'autant plus que Walter l'accompagne au moyen d'une colorisation toute en nuances donnant de la justesse aux scènes.
Ce dernier tome conclut admirablement la série. Simone rejoint les titres historiques qui, grâce à leur construction intelligente, dépassent la simple biographie. Elle se hisse au rang des meilleures bandes dessinées sur la Seconde Guerre mondiale et le génocide juif, tout en contribuant au devoir de mémoire. À lire absolument !









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