29 novembre 1693, une partie du gotha de Saint-Malo s'est retrouvée à l'hôtel Danycan. Parmi les invités figurent le duc de Chaulnes et le marquis de Nointel, deux membres importants de la noblesse bretonne. Avant le souper, les discussions sur la situation de la ville vont bon train. C'est alors que survient un bruit assourdissant, suivi d'une clarté qui enflamme le ciel. Surpris, les habitants sont pris de court par une pluie de projectiles qui s'abat sur toute la cité, causant de nombreuses victimes et dégâts. Heureusement, ces derniers sont moindre par rapport aux ambitions de leurs commanditaires, puisque Saint-Malo a été fortifiée par le marquis de Vauban quelques années auparavant. L'enquête commence. Un indice et des témoignages s'accordent pour dénoncer la trahison d'un jeune garde du rempart, qui aurait permis aux Anglais de faire approcher du port une machine infernale. Toutefois, la vérité semble toute autre et pourrait dépasser les représailles contre la cité corsaire.
La passion de Jean-François Miniac pour l'Histoire transpire à chaque page de cet album. Se basant sur le raid de Saint-Malo, qui a réellement eu lieu, le scénariste en profite pour mettre en lumière le rôle de ce port dans la guerre contre la coalition européenne connue sous le nom de Ligue d'Augsbourg. Celle-ci fut emmenée par le prince d'Orange, devenu Guillaume III, roi d’Angleterre. Une partie de la stratégie de Louis XIV consiste à faire harceler les navires de commerce anglais en utilisant les corsaires de Dunkerque et de Saint-Malo. Cette cité devient une cible de choix pour les ennemis de la couronne. Le Roi-Soleil ordonne donc à Vauban, en 1689, d'en renforcer les fortifications. Les conséquences de la machine infernale, qui s'échoue trop loin de sa cible initiale en sont diminuées. Jean-François Miniac utilise ce contexte pour livrer aux lecteurs une intrigue d'investigation et non pas un documentaire sous forme de bande dessinée.
En effet, il joue avec la temporalité, cassant la linéarité, afin d'opérer des allers-retours mettant le focus sur le rôle et les décisions de Vauban. S'intéressant aux figures méconnues ou mal comprises de l'Histoire, le scénariste a su humaniser l'individu, tombé dans l'oubli, et souligner ses multiples activités. Le marquis fut en effet ingénieur, architecte militaire, urbaniste, hydraulicien et essayiste. Homme de son époque, il cherche aussi à plaire au Roi pour parvenir à devenir Maréchal. Dans cet album, et par souci de densifier son côté policier, le noble se voit affublé d'un enfant illégitime qui a une grande importance dans le déroulement de l'intrigue. En mêlant la véracité historique à des éléments fictifs d'investigation, l'auteur élabore un scénario dense et intéressant.
Les dessins d'Andrea Rossetto rendent également l'album plaisant. Traités avec rigueur, les décors et cadres ont un rendu très proche de ce que la documentation propose. Son trait réaliste se retrouve aussi dans les visages des protagonistes. Pour ceux qui ne sont pas fictifs, la ressemblance est là. L'artiste est à l'aise dans les temps d'action, qui jalonnent une grande partie de l'album. La colorisation d'Angelo Iozza est efficace. Elle respecte les tons de cette période, que cela soit dans les vêtements, les accessoires ou pour retranscrire le climat malouin.
Cette première partie titrée Le piège malouin est une agréable lecture qui ravira les amateurs d'Histoire et d'aventures. Bénéficiant d'un rythme palpitant et de dessins des plus appréciables, ce tome prouve également que la bande dessinée historique est bien devenue historienne. À découvrir !
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