Cher lecteur de BDGest

Vous utilisez « Adblock » ou un autre logiciel qui bloque les zones publicitaires. Ces emplacements publicitaires sont une source de revenus indispensable à l'activité de notre site.

Depuis la création des site bdgest.com et bedetheque.com, nous nous sommes fait une règle de refuser tous les formats publicitaires dits "intrusifs". Notre conviction est qu'une publicité de qualité et bien intégrée dans le design du site sera beaucoup mieux perçue par nos visiteurs.

Pour continuer à apprécier notre contenu tout en gardant une bonne expérience de lecture, nous vous proposons soit :


  • de validez dans votre logiciel Adblock votre acceptation de la visibilité des publicités sur nos sites.
    Depuis la barre des modules vous pouvez désactiver AdBlock pour les domaine "bdgest.com" et "bedetheque.com".

  • d'acquérir une licence BDGest.
    En plus de vous permettre l'accès au logiciel BDGest\' Online pour gérer votre collection de bande dessinées, cette licence vous permet de naviguer sur le site sans aucune publicité.


Merci pour votre compréhension et soutien,
L'équipe BDGest
Titre Fenetre
Contenu Fenetre
Connexion
  • Se souvenir de moi
J'ai oublié mon mot de passe
AD

Dans l’intimité du métier de sage-femme

Entretien avec Stéphanie Rubini

Propos recueillis par N. Laskar et L. Gianati Interview 20/03/2025 à 10:56 1190 visiteurs

Anna Roy, sage-femme et autrice, a écrit plusieurs livres sur la maternité et la parentalité. Elle est également connue pour son podcast Sage-Meuf, dans lequel elle partage ses expériences et ses conseils. Récemment, elle a publié une bande dessinée intitulée Si chères à mon cœur, qui retrace 10 histoires inspirées de son métier de sage-femme. Stéphanie Rubini, au dessin, a répondu à quelques questions. 

Comment s’est fait la rencontre avec Anna Roy ?

Stéphanie Rubini : Je travaillais beaucoup pour les éditions Hatier, j’écrivais des livres pour enfants, et mon éditrice m’a proposé d’illustrer un guide sur la grossesse. Elle avait bien aimé mes dessins, donc pour ce projet de bande dessinée, Anne et mon éditrice se sont naturellement tournées vers moi.

Il existait un intérêt personnel, dès le départ, pour ce sujet ?

S.R. : Oui, les parcours de femmes, le milieu médical, j’aime bien. En écrivant ce livre, j’ai repensé au fait que je voulais être dessinatrice scientifique. Il existe une formation, un DMA (NDLR : Diplôme des métiers d’arts) d’illustration scientifique à l’école de Strasbourg, et un DSSA (NDLR : Diplôme supérieurs d’arts appliqués) à Estienne. Mais j’ai appris qu’il fallait assister aux autopsies avec les médecins. Ils apprennent sur des planches dessinées, et non sur des photos. Donc, tout ce qui est vulgarisation et dessin technique, ce sont des dessinateurs qui s’en occupent. Mais cela implique aussi de suivre une année commune en médecine pour suivre les cours d’anatomie, ce que je ne me sentais pas capable de faire. Mais avec ce projet, je m’y remets et je me rends compte que j’aime vraiment ça : le milieu médical, l’aspect technique, et la relation soignant-soigné.

Il y a 10 histoires, les avez-vous toutes élaborées ensemble ?

S.R. : Il y a trois histoires sur dix, voire la moitié, qui lui sont venues immédiatement, des femmes dont elle voulait absolument parler. Ensuite, on a recherché un équilibre entre histoires tristes et plus légères. Pour les dernières, on a réfléchi aux thèmes qu’on voulait aborder et Anna a trouvé des histoires de patientes qui collaient avec ces sujets : une sur la médicalisation de l’accouchement, une autre sur le tout naturel, tellement forte qu’il fallait en parler. Et les autres ont servi à enrichir l’ensemble. Ce n’est que du vécu.

En tant que dessinatrice de BD, l'envie de romancer, de modifier, de forcer le trait sur certains aspects de l’œuvre a-t-elle été présente ?

S.R. : Non, je n’ai pas forcé le trait. Par exemple, pour l’histoire de La Dresseuse de tigres, quelqu’un m’avait demandé si on avait surenchéri, et j’avais répondu qu’en réalité c’était l’inverse. J’ai quand même pris quelques libertés en termes de personnages, mais tout ce qu’Anna raconte, elle l’a vécu. Tout ce qu’elle dit, elle l’a vraiment dit. Là où je me suis amusée, c’est plutôt dans la mise en scène visuelle. Par exemple, la scène des urgences médicales : j’ai repensé à toutes les séries médicales que j’adorais regarder, et j’ai essayé de reproduire l’ambiance. Je voulais coller au plus près de ce qu’elle me disait sans trahir l’histoire.

Anna Roy se souvenait du physique des personnages ?

S.R. : Oui, par exemple pour l’épisode Vertigo sur la dépression post-partum, Anna me disait que la patiente lui faisait penser à Michelle Obama. Alors, je ne l’ai pas dessinée exactement comme Michelle Obama, mais j’ai représenté une femme noire, forte, bien habillée, avec des grosses boucles d’oreilles. Elle me donnait souvent des actrices pour m’aider. Elle a une mémoire des personnes assez incroyable, car pour certaines ce sont de vieilles histoires.

Et est-ce qu’il était plus difficile de la dessiner, elle ?

S.R. : Oui, c’était compliqué parce que, ce que j’ignorais à l’époque, c’est qu’elle a pris beaucoup de poids en peu de temps. Elle vient de sortir un livre, Enorme, dans lequel elle explique avoir pris 60 kg en 10 ans. Et ça, au moment du projet, je ne le savais pas. Je l’ai toujours connue à la télé comme elle est aujourd’hui. Elle m’avait envoyé une photo pour me montrer comment elle était quand elle était étudiante, et en effet, ce n’était pas le même personnage. Donc j’ai essayé de varier son physique. Étudiante, elle était mince, mais quand elle fait son discours, pour lequel elle a remporté le prix Gisèle Halimi, elle était au pic de son obésité, donc je ne l’ai pas dessinée mince, je l’ai dessinée comme elle était. En fonction des histoires, ça varie. J’ai essayé d’en faire un personnage de BD à part entière avec sa mèche, sa frange et ses boucles d’oreilles.

Qui a choisi l’ordre des histoires ? La toute première, alors qu’on s’attend à découvrir la vie, évoque la mort...

S.R. : Je pense que c’est ce qu’elle a découvert en apprenant le métier : le fait d’être constamment sur le fil du rasoir. Je pense qu’elle a vraiment voulu montrer cela : un pied dans la tombe, un pied dans la vie. D’ailleurs, quand on a commencé le livre, elle était assez fatiguée par son travail, et je pense que ça a joué aussi. En discutant avec l’éditrice, on a choisi ensemble l’ordre des histoires, mais Anna expliquait qu’elle pouvait avoir une patiente en post-partum à 10h, une autre heureuse à 10h30, et à 11h une autre qui perd un bébé. Elle doit jongler avec tout ça toute la journée. On a l’impression que ce sont des histoires sordides, mais on connaît tous des cas comme ça. J’ai une copine qui a failli y passer, on a tous des histoires dans notre entourage, mais pour elle, c’est son quotidien. Il y a toujours un bébé mort dans la semaine. Donc, on a commencé par l’histoire du décès directement.

Le chiffre de 10 % de mortalité infantile dans le monde est incroyable...

S.R. : Quand il n’y a pas de médicalisation, c’est ça. Il suffit de voir le nombre d’accouchements pour lesquels on a besoin d’aide pour que ça se passe bien. Si on n’a pas cette aide, ça ne se passe pas bien.

Anna Roy avait fait une BD avant, Année zéro, avec Caroline. Pourquoi avoir choisi la BD pour ce projet ? Est-ce que le résultat lui a plu ?

S.R. : C’est l’éditrice qui a proposé ça. Elle lit beaucoup de BD : aventure, classique, historique. Le côté image, cinématographique, ça devait lui plaire, ainsi que la façon de représenter les femmes. Et, oui, elle trouve ça très beau.

La façon dont elle décrit son quotidien, la façon de passer de situations complexes et tristes, est-ce qu’il y avait aussi une volonté de ne pas idéaliser cette profession ?

S.R. : Oui, clairement, d’ailleurs c’est la conclusion. Elle est drôle quand elle parle, mais il faut savoir que les sage-femmes sont assez méprisées par les obstétriciens. Anna dit : « Nous les sage-femmes, on est les femmes en rose, avec les bébés » (rires), alors que ce n’est pas ça du tout. Elle a vraiment à cœur de montrer qu’elles sont des soignantes à part entière. Elles ont une formation de 5 ans, elles peuvent prescrire, et surtout, elles sont confrontées à des situations très dures tout le temps. Au-delà du médical, il y a aussi l’aspect humain. Parfois, ce n’est pas le médical qui pêche, mais la situation familiale désastreuse. L’aspect social du métier peut s'avérer compliqué.

Des limites ont-elles été fixées au niveau du dessin, pour ne pas trop en montrer ?

S.R. : Oui, dès que ça me gênait, je me disais que ça allait trop loin. Ce sont peut-être mes propres limites. Le sexe qui a un visage, c’est une image qui l’a beaucoup marquée. Pour l’introduction, elle m’avait envoyé une photo d’une tête qui sortait. Mais je ne pouvais pas dessiner ça, donc j’ai fait du hors-champ. Quand c’est trop choquant, j’essaye toujours de faire un petit pas de côté. Je suis dessinatrice, je ne suis pas sage-femme, et les lecteurs n’ont peut-être pas envie d’être confrontés à ce genre d’images directement.

Pour chaque histoire, il y a un titre accompagné d'une illustration parfois moins réaliste que le reste. Est-ce un plaisir de sortir d'un dessin trop réaliste ?

S.R. : Ces petites images m’ont fait du bien. Pour tout le reste, j’étais obligée de coller à ce qu’elle me disait. Mais pour ces petites illustrations, j’ai repris mon travail d’illustratrice. J’ai pu donner une vision personnelle du thème de l’histoire.

Les titres des histoires, qui les as choisis ?

S.R. : C’est l’éditrice qui a tout trouvé. Elle avait une vision pour chaque thème. Nous, on avait mis des titres de travail qui n’étaient pas très intéressants, sauf pour La Dresseuse de tigre, cette histoire je ne vois pas comment on aurait pu l’appeler autrement. Tout le reste, c’est l’éditrice, elle avait vraiment un sens de la formule qu’on n’avait pas. En revanche, pour le titre de l’album, ça a été très difficile. Au début, on avait des titres à rallonge, comme : Les Tribulations d’une sage-femme... Il s’est avéré que Caroline, l’éditrice, est partie en fin de projet et a laissé sa place à Juliette, qui avait un regard très frais. Elle est allée relire le discours de Anna pour le prix Gisèle Halimi, et à un moment, Anna dit : « Les femmes et les patientes, si chères à mon cœur. ». Et c’est apparu comme une évidence. Il fallait un titre qui englobe tout. On ne pouvait pas se limiter à la grossesse, car cela allait plus loin. Ce n’étaient pas que des histoires de bébés... c’était insolvable. Et pour moi, c’était compliqué aussi, car sans le titre, je n’arrivais pas à imaginer le dessin. Donc merci Juliette !

Les signes de vieillesse sont perçus différemment pour les femmes et les hommes, et cela a un impact social, professionnel, sexuel. Est-ce quelque chose qu’Anna voulait dénoncer ?

S.R. : Oui, d’ailleurs elle parle d’elle-même. Elle disait qu’elle était bête, conditionnée par l’idée que la femme ménopausée était vieille et inutile, et qu’elle avait les mêmes préjugés que tout le monde. Elle dit d’ailleurs au début de l’histoire Crochet et thé dansant, qu’elle ne voulait pas la prendre en tant que patiente. Mais elle va sortir un livre sur la ménopause prochainement, car maintenant, elle adore avoir ces patientes. Ça la change des couples en post-partum qui ne dorment pas et qui sont déprimés. Et, parler de ça, c’est participer à une nouvelle vision du sujet.

Une phrase fait réagir dans l’album, lorsqu’Anna dit : « Je ne pourrais pas rester tout le long avec vous, comme mes consœurs anglaises le font. ». Justement, est-ce qu’en Angleterre, elles travaillent différemment ?

S.R. : Aux Pays-Bas, il y a davantage de maisons de naissance, beaucoup accouchent à la maison avec des sage-femmes. Les femmes en France qui militent pour le retour à la maison prennent ça comme exemple, mais dans les pays du Nord, il y a un accompagnement particulier, un dispositif d’ambulance. L’hôpital n’est jamais loin, s’il y a un problème, en 5 minutes, elles peuvent être aux urgences.

Les projets de naissance ont beaucoup évolué ces 10-15 dernières années. Il y a une volonté de retour au naturel, mais qui n’est pas toujours faisable.

S.R. : J’écoutais une interview d’Anna cette semaine où elle disait : « On a été trop loin dans la médicalisation, mais c’est une chance. ». Et c'est vrai que les prises de sang, c’est une chance. C’est pénible, contraignant, mais c’est une chance, car les problèmes sont détectés et traités très tôt. Il y a deux écoles, mais Anna fait partie de celles qui sont rassurées par la médecine et moins dans l’enthousiasme de l’accouchement naturel. Elle a vu trop d’horreurs. Elle m’envoyait des textes, des WhatsApp pour décrire les histoires, puis on se retrouvait toutes les trois, avec l’éditrice, autour d’une table pour travailler les storyboards et échanger sur les histoires. Elle disait : « J’ai vu trop de choses qui se sont mal passées pour être contre la médicalisation des accouchements. ». Sur l’alcool pendant la grossesse, par exemple, pendant les années 1980-90, oui, les femmes buvaient une coupe, mais elle a vu trop de choses horribles, même avec une consommation faible. Donc elle ne peut pas dire qu’une coupe n’est pas un facteur aggravant. Elle a un seuil différent du nôtre.


Propos recueillis par N. Laskar et L. Gianati

Bibliographie sélective

Si chères à mon coeur

  • Currently 0.00/10
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
  • 6

Notez l'album (0 vote)

Année zéro

  • Currently 4.00/10
  • 1
  • 2
  • 3
  • 4
  • 5
  • 6

Note: 4.0/5 (1 vote)