L
orsque la religion musulmane émerge au VIIème siècle, la chrétienté craint rapidement l'influence grandissante de ce voisin qu'elle ne comprend guère. Les croisades offrent une première réponse, sans grand succès. Pour certains religieux de l'époque, la meilleure manière de contrer cette menace implique de porter le combat sur le champ des idées et du débat. Il est dès lors essentiel que le texte soit traduit, afin de pouvoir l'étudier, le comprendre et, à terme, le réfuter. Les tentatives pour composer une version latine des sourates seront nombreuses, depuis l’Abbé Pierre le Vénérable, au XIIème siècle, mais aussi avec le concours de Martin Luther ou encore de Hassan al-Wazzan, plus connu sous son le patronyme de "Léon l'Africain". Rapidement, la politique commence également à instrumentaliser ces initiatives successives pour tenter de mettre en évidence des convergences entre l'Islam et des visions divergentes de la religion chrétienne, voire un prétexte d'oppression.
Cette bande dessinée est l'un des résultats du European Qur’an, un groupe d'historiens financés par la communauté européenne pour mener des recherches sur la place du texte sacré de l’Islam dans la culture et la religion européennes. Le sujet est ardu et le traitement relève presque du degré zéro du neuvième art. L'objet est documenté et sérieux. Il est surtout extrêmement scolaire et rébarbatif. L'initiative est, bien sûr, louable mais elle s'inscrit dans une utilisation terne du médium. Il n'y avait guère de raison que ce titre bénéficie d'une attention particulière. C'était sans compter le logiciel défaillant de l'extrême-droite. Pour elle, cela ne fait aucun doute : voici une bande dessinée pour enfants servant une propagande islamiste (AVEC NOS IMPÔTS !!!).
OK.
Exercice respiratoire.
Zen.
Les éditions Petit à Petit ont réagi, précisant que l’album s’adresse en réalité au grand public et qu'il est avant tout une invitation à la connaissance. Ce n’est pas l’islamisation du savoir, c’est sa contextualisation historique. En effet, le Coran y est abordé comme un artefact historique et culturel, jamais comme un instrument prosélyte. La Loi de Brandolini rappelle que la quantité d'énergie nécessaire pour réfuter une ânerie est supérieure à celle qui a servi à proférer cette dernière. Sans doute aurait-il fallu que ces tristes sires aient pris le temps de lire, sinon du EUQU projet, au moins Safar. Il y a des dessins et des textes, cela ne leur aurait pas demandé un trop gros effort. Sauf à considérer que le but n'est pas d'exprimer une inquiétude fondée quoique réfutable par la discussion, mais d'entretenir un discours bien rodé qui dénigre toute forme de recherche, dès qu'elle remet en cause leur vision du monde.
D'un coup, l'utilité de cet album redevient évidente et salvatrice. Ne laissons pas les idéologies se substituer aux faits. Umberto Eco a fourni des outils indispensables.
Utilisons-les.
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