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ne maison de campagne, une petite fille au caractère bien trempé, un gendarme consciencieux et un épouvantail qui parle !
L'épouvantail commence comme une histoire de famille ; celle de Lily une fillette qui souffre de ne pas avoir d'amis, de ses rapports avec sa belle-mère dont son père prend toujours le parti et surtout de la longue absence de sa maman. Mais l'irruption d'un épouvantail plutôt flippant fait rapidement basculer la trame dans le conte fantastique. L'ajout d'un élément, un accident de voiture non loin de la propriété familiale, donne à l'intrigue, peu à peu, des allures d'enquête policière.
Surprenant ? Assurément.
Réussi ? Totalement.
Philippe Pelaez mêle avec savoir-faire les éléments de ces trois registres pour construire une histoire solide et prenante. Le choix du noir et blanc, opéré par Stéphane Sénégas, paraît éminemment pertinent. Que ce soit lors des échanges tendus, en famille, pour appuyer les séquences angoissantes avec l'épouvantail, ou bien encore les scènes nocturnes, la force du trait est mise en valeur par cette bichromie. Les textures qu'il y pose viennent compléter ces sensations et participent à la montée en tension. Balloté par ce qui se dévoile au fil des pages, surpris par les sentiments qui s'emparent de lui, le lectorat sera saisi par la tournure des évènements. Cueilli même.
En effet, le scénariste de Quelque chose de froid et de Furioso sait ménager le suspens et maintenir l'attention, semant vrais indices et fausses pistes, dans le champ de son histoire. Jouant à plein sur les ombres et les clairs, son comparse sert une prestation au diapason. Du stress au calme en une planche, du doute à la stupeur en une case, Stéphane Sénégas s'amuse avec le public comme avec ses feutres. C'est d'autant plus remarquable qu'il le fait en variant sa mise en scène sans jamais perdre en lisibilité ou négliger l'immersion.
Album à ranger aux côtés des Trois Ombres de Pedrosa, cet Épouvantail est une lecture qui ne laissera pas indifférent. Un album qui confirme la polyvalence de Philippe Pelaez mais qui expose surtout à celles et ceux qui le découvrent et rappellent aux autres, le talent de Stéphane Sénégas.
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Un album étrange qui baigne dans une atmosphère à la Tim Burton.
Graphiquement, c’est assez impressionnant. Avec un sens aigu de l’épure et du clair-obscur, Stéphane Sénégas parvient à rendre certaines cases magnifiques. Son dessin plutôt simple, griffé de hachures ou rehaussé de lavis gris, est parfaitement lisible et possède un puissant impact visuel. Son épouvantail, notamment, est franchement réussi.
Je ne le connaissais pas et c’est un dessinateur de grand talent que je découvre avec cette BD, dont la couverture m’avait immédiatement frappé par sa composition et sa beauté.
Ce dessin s’associe avec le récit de Philippe Pelaez dans une parfaite osmose. L’un et l’autre se répondent à chaque instant pour plonger le lecteur dans cette ambiance sombre et bizarre, mêlant fantastique, polar et conte pour enfant. Une recette surprenante qui fonctionne très bien. La lecture est rapide mais presque perturbante par moment.
Fort heureusement, le scenario accompli un petit miracle en faisant naitre une poésie aussi douce que lumineuse d’un environnement volontairement morne et lugubre. Cela permet de traiter de thématiques fortes, comme le deuil, l’absence, la différence, la solitude, le passage à l’âge adulte… avec pudeur, intelligence et une certaine profondeur. La dernière scène, superbe, l’illustre avec maestria.
Pour toutes ces raisons, j’ai beaucoup aimé « Épouvantail » et je suis heureux qu’il ait rejoint ma bédéthèque. Toutefois, il est probable que des lecteurs passent à côté, car c’est une lecture vraiment singulière.