L
a guerre de Sécession a aboli l’esclavage en 1865, mais pas la discrimination. La règle du one drop stipule que tout individu d’origine africaine est noir. Beller Greener semble blanche ; certes, elle a le teint basané ; toutefois, en transformant son nom en Belle da Costa Greene et en se prétendant d’ascendance portugaise, tous n’y voient que du feu. La demoiselle peut dès lors entreprendre sa conquête de la haute société new-yorkaise.
Le secret de Miss Greene exprime la honte. Celle de sa généalogie, celle de la personne qui renie les siens, sans oublier celle que devrait ressentir toute une nation choisissant d’établir une hiérarchie des droits en fonction du taux de mélanine.
Nicolas Antona raconte le destin d’une femme déterminée, décidant de gommer ses différences pour faire valoir ce qu’elle est, au-delà de la couleur de sa peau et de ses chromosomes xx.
À moins qu’il n’expose le récit d’une ambition démesurée ; quitte à tourner le dos aux siens et à convaincre ses frères et sœurs de ne pas procréer… puisque la teinte du marmot risque de trahir l’imposture.
L’histoire de cette personnalité apparaît lisse. L’ascension sociale de la dame semble linéaire. L’héroïne ne doute de rien et n’a pas d’états d’âme. Il aurait pourtant été opportun d’explorer avec plus d’acuité ses relations avec une famille tenue de se conformer à ses exigences ou ses amours quasi inexistantes tant elle tient mordicus à protéger son secret. Le livre se termine alors que le personnage principal affirme «… comme toujours j’avance et j’assume mon choix. Celui de la liberté…». Le bibliophile se demande si une vie de mensonges témoigne vraiment du libre arbitre dont se réclame l’affranchie.
Le dessin semi-naïf de Nina Jacqmin se montre agréable, quoiqu’un peu froid. L’artiste a bien fait ses devoirs et elle restitue avec précision les tenues vestimentaires de la bonne société et les décors de leurs riches demeures. L’illustratrice présente une femme au teint foncé, dans une Amérique raciste, il est étonnant que seul le lecteur se rende compte de la supercherie.
Un album intéressant, pour découvrir une actrice de l’ombre, mais qui, plutôt que de confronter la complexité de la protagoniste, reste en surface.
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