A
près des décennies de bons et loyaux services, l'inspecteur Nassar s'apprête à prendre une retraite bien méritée. Un gâteau, quelques vannes de ses collègues et le voici qui passe de bureaux en bureaux pour faire ses adieux. Mais au moment de saluer le lieutenant, un dossier attire son attention. Ça recommence. « Son » affaire, celle qui l’obsède depuis vingt-trois ans, reprend : un nouveau meurtre a été commis.
Un flic à l’aube de la retraite qui s’embarque dans un dernier tour de piste : le point de départ de l’histoire n’a rien de révolutionnaire mais fonctionne toujours. Il est ici développé à travers deux points de vue. L'idée n'est, bien sûr, pas inédite. Elle est exploitée de manière pertinente par le quatuor qui officie sur ce qui était, en version originale, deux séries distinctes qu'il appartenait aux bédéphiles de rapprocher pour comprendre qu'elles constituaient un tout. Pour chacune, un artiste différent tient les pinceaux (Laurence Campbell et Sumit Kumar) tandis que le scénario est assuré par Dan Watters (Batman Dark Patterns) et Ram V (Dawnrunner).
Les péripéties se déploient donc à travers les yeux du policier, d’une part, et du serial killer, de l’autre. Les éléments de compréhension de cet univers séduisant sont progressivement distillés. Les faits se déroulent en 2873, dans une mégalopole appelée Neo Novena. Si la technologie a fait un bond incroyable, de nombreux éléments hérités des sociétés contemporaines demeurent. L’ambiance est noire, pesante, notamment dans les planches assurées par Laurence Campbell. Sans trop divulgâcher - cela serait dommage - le paranormal prend rapidement une place prépondérante dans le récit. Les auteurs offrent ainsi un polar bien amené et particulièrement prenant. À mi-chemin de la lecture, toutefois, l’intrigue commence à légèrement patiner, les rebondissements étant moins nombreux et moins surprenants. Finalement, la conclusion déçoit quelque peu, à la fois trop ouverte et trop convenue, pour véritablement emporter l’adhésion.
Il est à noter que, pour cette intégrale, les éditions Urban Comics ont fait le choix d'un bel écrin, certes, mais aussi d'un livre qui se retourne : dans un sens sont proposés les cinq chapitres qui constituent The one hand, dans l'autre les cinq de The six fingers. Au-delà de la dimension gadget, le choix éditorial a de quoi surprendre. Pour apprécier au mieux la mécanique proposée par l'équipe créative, il est en effet de bon ton de lire les deux mini-séries en parallèle, un chapitre de chaque à la fois (c'est d'ailleurs ce à quoi invitait la première publication, format souple, en version française). Pour les lecteurs découvrant l'univers avec cette compilation, il est donc vivement recommandé de retourner le livre après la lecture de chaque épisode. À défaut d'être pratique, cela sera plus logique.
Concept intéressant, bonnes intentions, dialogues de qualité, dessin percutant… The one hand & The six fingers est assurément un bon comic book. Mais, alors qu’il cochait toutes les cases pour s'imposer comme un must have – et si l'ensemble se tient bien et mérite d’être lu – il est dommage que le résultat n'ait pas été, sur la longueur, tout à fait à la hauteur des attentes.








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