de geep » 15/02/2012 11:04
Je mets mon grain de sel et deux/trois trucs en vrac qui peuvent peut-être ouvrir d'autres pistes ou en renforcer certaines.
Les représentations "de la famille" divergent dès le début de la BD, aux Etats unis par exemple, selon à qui elle s'adresse. Les rapports internes de la Famille Illico (plutôt pour adultes), avec des préoccupations plus...adultes n'ont pas grand chose à voir avec ceux de la famille de Bicot (normale, papa, maman, grande soeur et petit frère) ou ceux, plus flous et compliqués, de la famille de Donald (oncles, tantes, neveux...) ou encore plus complexes en ce qui concerne Pim, Pam, Poum avec son écheveau de personnages n'ayant d'autres lien que d'habiter sous le même toit, comme une bande de Robinsons préoccupés par la bouffe, la picole et une certaine forme de sado-masochisme actif et de manipulation perverse.
Dans la BD franco-belge d'après guerre, on voit reprendre les mêmes schémas: Modeste et Pompon, par exemple, avec des personnages aux rôles mal définis. La plupart du temps, les personnages n'ont même pas de parents, du coup, ils deviennent intemporels, traversent les décennies sans viellir alors que le monde change autour d'eux (Tintin, Spirou...).
Ceux mettant en scène une "vraie" famille évitent quand même clairement la question de ce que font papa et maman le soir dans le même lit (la question de ce qu'ils pourraient y faire dans la journée étant tellement pornographique qu'on l'éludera d'entrée). C'est le cas de Boule et Bill, mais aussi de la famille de Michel Vaillant qui fait intervenir deux femmes: Mme Vaillant mère, une bobonne dont l'atout sex-appeal principal réside dans la recette de son pot-au-feu et la femme de Jean-Pierre dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle évoque plus une dame patronnesse qu'une féministe émancipée.
Ceci étant dit, il me semble que la question évolue en même temps que grandit le lectorat (je veux dire mûrit). Ce qui est esquivé par un enfant de 8/10 ans (période dite de latence) revient au galop à la puberté et du même coup, les personnages eux-même évoluent dans leurs rapports. A partir des années 80, ce ne sont plus tant les parents qui sont au centre du questionnement, mais les enfants eux-mêmes qui vont aller poser des questions, et du coup, tout devient beaucoup plus cru dans l'énoncé: "Petit pirou, Cédric, Titeuf, Tamara"...
Je ne veux pas dire que cette idée de la famille "asexuée" n'existe plus dans la BD d'aujourd'hui, mais l'approche s'est diversifiée et on a des contre-exemples comme "Toupet, les Zppeurs, les Crannibales...", soit que ce ne soit pas l'objet de la série, soit que l'idée-même de la famille n'a rien à y voir. Aujourd'hui, il paraît normal que les parents dorment dans le même lit, que la mère se fasse draguer et n'y soit pas insensible, que le père fasse un peu le joli-coeur, que les enfants ne soient pas dupes de ce qu'on leur raconte...
Du côté vie de famille, il y avait aussi dans le temps une série de Martial, "Sylvie", publiée dans "Nous-Deux" (je crois) et où les personnages évoluaient en même temps que le temps passait. (A voir dans la BEL)
Pour le quotidien "d'ambiance", il y a plein de choses amusantes chez Achille Talon, mais aussi dans les "Dingodossiers" et dans la "Rubrique à brac" de Gotlieb. Tintin donne aussi une idée de l'athmosphère des 30 glorieuses dans plusieurs albums et certains personnages (Séraphin Lampion, l'assureur qui tape l'incruste), ou certaines situations (allo, la boucherie Sanzot...) sont assez typiques d'une société d'avant internet. Pareil pour Spirou (design...). C'est d'ailleurs les seules choses qui restent en prise avec une certaine réalité (à part peut-être le Spirou du "Prisonnier du Bouddha" où on évoque clairement une réalité politique), pour le reste, les grands évènements du second quart du XXème siècle sont soit escamotés, (décolonisation, guerre du Viet-Nam), soit remaquillés (tensions au moyen-orient, inquiétude face aux forces du pacte de Varsovie...). L'Afrique et l'Amérique Latine restent des pays d'opérette ou des visions d'avant-guerre et souvent, les auteurs se tournent vers l'introspection pour alimenter leurs production. Et paradoxalement, l'album de Tintin qui pourrait être le plus "représentatif", parce que le moins "exotique", "Les bijoux de la Castafiore", parce qu'il se situe dans un cadre assez étroit, celui de ce qui deviendra plus tard la "Jet set" avec toutes ses conventions: paparazi, château, show-biz... ne donne qu'une idée en creux de la société des années 50/60 au travers d'une appétence de ses lecteurs pour une presse people encore balbutiante même si elle annonce la montée d'une société de l'image. (Interprétation toute personnelle, ça va de soi).
On peut aussi trouver des choses dans "Totoche" sur la vie des bandes de mômes des banlieues avant les "barres".
Et cla liste est loin d'être close, mais c'est tout ce qui me vient à l'esprit pour le moment...