L
a rue Panisperna, c’est l’adresse de l’Institut de physique de l’université de Rome et c’est là, en 1934, qu’une équipe dirigée par Enrico Fermi fit une découverte cruciale : les neutrons lents. Maillons essentiels dans la compréhension des mécanismes de la désintégration nucléaire, ces particules ont été la première indication prouvant qu’une bombe atomique était possible. Pris dans la tourmente annonçant la Seconde Guerre mondiale, ce groupe de brillants et jeunes chercheurs se disperse à travers la planète dans les années qui suivirent. USA, Royaume-Uni, Russie, Canada, ils intègrent tous des laboratoires et continuent leurs recherches. Le plus connu d'entre eux, Fermi (Prix Nobel en 1938) deviendra un des acteurs-clefs du futur projet Manhattan. Éloignement géographique, choix idéologiques, dilemme éthique, Enrico, Emilio, Edoardo, Ugo, Ettore et Franco ont gagné leur place dans la légende de l’Histoire des sciences, ils sont Les Garçons de la rue Panisperna.
Sujet à la mode ces dernières années et malheureusement de nouveau d’actualité, l’énergie nucléaire, militaire particulièrement, fait peur et à juste raison. Lui-même professeur de physique-chimie, Jean-François Chanson se propose de remonter le temps et de raconter l’émergence des innovations qui ont mené à la création de l’arme atomique. Son récit, impeccablement documenté et mis en contexte, donne évidemment la part belle à la science. Les difficultés théoriques et techniques, les doutes, les risques (si les dangers de la radioactivité ont été rapidement compris, les mesures de précautions prendront du temps à s’imposer), les ego et l’importance cruciale de la collaboration internationale, le scénariste offre un très beau portrait de ces hommes et de ces quelques rares femmes. Les tracas du quotidien ne sont pas oubliés pour autant et le côté humain de cette aventure s'avère également très bien présenté. La vie professionnelle qui accapare tous les instants, l’exil volontaire, les mauvaises nouvelles du front, de nombreux drames et trahisons, l’abnégation et les sacrifices qui accompagnent les grandes découvertes sont clairement décrits et mis de l’avant. Il en ressort une lecture dense et au découpage parfois compliqué (que de retours en arrière et de dialogues forcés purement informatifs), mais totalement prenante et éclairante.
Lorenzo Chavini illustre ce pan de l’histoire contemporaine avec efficacité et, étonnement, une certaine douceur. En effet, son style posé et le trait sans détour donne au récit une atmosphère calme, presque apaisée. L’opposition entre la gravité des propos et cette ambiance feutrée apporte un recul appréciable et une humanité tangible à cet univers fait d’atomes et d’équations funestes. Pour finir, deux annexes résumant la chronologie des évènements et proposant un cours express de physique complètent agréablement l’ouvrage. Dommage qu’un trombinoscope n’ait pas été joint. Il aurait aidé à s’y retrouver dans l’immense distribution.
Complet, carré et quasi-scolaire par moment, Les garçons de la rue Panisperna demeure aussi extrêmement lisible et prenant, principalement grâce à l’approche tout en nuance du dessinateur. Un très bel exercice de vulgarisation scientifique qui devrait intéresser ceux qui ont apprécié La Bombe du trio Alcante/Bollé/Rodier et Oppenheimer, le film de Christopher Nolan.








Poster un avis sur cet album