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in août 1119, après une âpre bataille, Henry Ier d’Angleterre, fils de Guillaume le conquérant, tient une victoire en terre normande. Pour autant, le monarque ne peut que déplorer les presque vingt ans qu’il vient de passer à guerroyer tantôt contre ses frères, tantôt contre une noblesse turbulente ou des territoires en marge prompts à vouloir s’émanciper, tantôt contre le roi des Francs. À des lieues de là, dans le tranquille port de Barfleur, Thomas est accaparé par la construction d’un navire, mû par le rêve de voir un jour son souverain y embarquer. L’année suivante, cet espoir prendra corps à l’automne, mais pas tout à fait comme le jeune homme s’y attendait ; le destin et les flots capricieux engloutiront la Blanche-Nef, l’héritier britannique et une centaine de passagers.
Fortunes de mer est une nouvelle collection des éditions Glénat visant à évoquer des naufrages et drames maritimes qui ont marqué l’histoire. Sortis simultanément en octobre 2025, les deux premiers albums abordent les destinées de navires que les siècles séparent, mais que la tragédie rapproche. Si le nom du Lusitania pourra avoir quelques échos dans les souvenirs scolaires des bédéphiles, la Blanche-Nef, elle, risque de ne pas rappeler grand-chose, si ce n’est aux amateurs d’histoire médiévale.
Assurément fin connaisseur (il signe le dossier final, intéressant et documenté), Jean-Yves Delitte tient fermement la barre et livre un scénario circonstancié et éclairant qu’il étoffe avec des éléments plausibles. Ainsi, si les acteurs principaux – Henry Ier, son fils William Adelin, Louis VI le Gros, le brave Thomas fils d’Étienne, originaire de Barfleur et d’autres – ont existé. L’auteur glisse parmi eux une paire de détrousseurs apportant du liant et jouant les témoins privilégiés des champs de bataille aux côtes où ont échoué les cadavres gonflés d’eau. L’écueil de la leçon ennuyeuse est évité ; de même, les psychologies apparaissent clairement, quoique traitées en surface et un brin caricaturales pour certaines figures. Finalement, autant que les aléas météorologiques et les rochers affleurant au large du Cotentin, les mauvais choix effectués ont conduit à une issue fatale.
Pour donner corps à cet épisode, le scénariste a confié le dessin à Marco Bianchini et Francesco Mercoldi, dont le travail est complété par la mise en couleur de Scarlett Smulkowski. Le coup de crayon, classique, se révèle expressif et les compositions restituent de façon convaincante aussi bien les armements et tenues de l’époque que les paysages portuaires et les ambiances pluvieuses. La scène, cruciale, où le navire affronte le tumulte des flots est plutôt réussie.
BD historique axée sur l'aventure (ou mésaventure) maritime, La Blanche-Nef remplit sans peine son cahier des charges. Les passionnés du genre y trouveront sans doute leur compte.








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