A
u milieu des années 1960, Rose Vermeer, dix-sept ans, maigrichonne et d’allure androgyne, fréquente un lycée catholique à Bruxelles. Elle envie un peu sa meilleure amie, Monique, fille de pâtissier, dont les jolies formes attirent les regards des hommes. Grâce à cette dernière, elle rencontre Louis, alias « Polochon », un artisan-relieur dont l’appartement-atelier se trouve sur leur trajet. Énamourée, Rose se laisse séduire par cet homme qui a trente ans de plus qu’elle. Peu après, Rose se découvre enceinte, mais Louis refuse d’en entendre parler. Quand les parents de la jeune femme l’apprennent, ils exigent que l’individu prenne ses responsabilités. Si ce dernier semble accepter, la situation dégénère rapidement au fil d’une relation toujours plus abusive. Désormais fille-mère, Rose est envoyée au Liban, chez un oncle paternel. Son rejeton sous le bras, elle va devoir là aussi trouver les ressources nécessaires pour tracer son chemin.
Romancière bien connue du public jeunesse, Gudule (de son vrai nom Anne Bocquillon-Léger-Bélair, 1945-2015) est l’autrice de trois œuvres d’autofiction que sa fille, Mélaka, vient d’adapter en bande dessinée. Publiée dans la collection Encrages chez Delcourt, l’ouvrage narre, au fil de quelques trois cent quatorze pages, les déboires sentimentaux et les premiers pas dans la vie d’adulte de Rose, jeune fille en quête d’émancipation à une époque encore phagocytée par un modèle patriarcal traditionnel et peu tendre avec celles (et ceux) qui, d’une manière ou d’une autre, sortaient du rang.
Dès les premières pages, le lecteur comprend que l’héroïne se trouve à l’étroit dans le carcan familial et religieux auquel elle est habituée. Par ailleurs, elle est à l’âge des élans amoureux juvéniles et fantasme ce que son éducation stricte lui interdit de connaître ailleurs que dans les liens du mariage. La tentation est donc grande et l’occasion qui s’offre à elle devient rapidement un piège pour l’innocente. Assez vite, il apparaît que la relation entretenue par la demoiselle avec Louis de Backer est complètement biaisée et asymétrique. Les prises de bec s’enchainent avec un amant manipulateur et des parents moyennement compréhensifs, les petits mensonges et coups de pression s’accumulent. À la moitié de l’album, l’éloignement dans un autre pays apporte un regain d’énergie et d’intérêt à un récit, assez linéaire. Le cadre change, tandis que les problèmes sont désormais ceux d’une mère débutante devant s’occuper de son rejeton tout en subvenant à leurs besoins et en faisant face aux préjugés de son entourage. La capacité de résilience de Rose, sa force et sa volonté se dévoilent ainsi toujours plus. La romance est d’ailleurs aussi au rendez-vous, sous une forme plus épanouissante et ce jusqu’à l’accomplissement et l’apaisement final.
L’histoire s’appuie sur un trait semi-réaliste et expressif allant à l’essentiel tout en s’attachant à transmettre au mieux les émotions des différents personnages. La composition des planches reste classique mais efficace et quelques décors permettent de poser les ambiances générales. La mise en couleur se calque sur les trois périodes racontées : en aplat bleu-gris pour l’idylle avec le « Polochon » ; en teintes brunes pour le passage chez l’oncle ; enfin en vieux rose lorsque la jeune mère entame une deuxième vie sentimentale.
Malgré quelques longueurs, La Rose et l’Olivier constitue une lecture enrichissante qui reflète bien la complexité des relations amoureuses et familiales, ainsi que les tribulations d’une existence s’éloignant quelque peu de la bienpensance à une époque où les mœurs s’ouvraient timidement.
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