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n juin 1815, peu après la victoire de la coalition monarchique européenne sur les armées de Napoléon Ier à Waterloo, les représentants de ces royaumes se réunissent à Vienne. Entre eux, une idée émerge : créer un État-tampon entre la France et ses voisins. Et c’est au souverain des Pays-Bas qu’échoit le lot. Mais bien vite, l’autorité de celui-ci est contestée, notamment à Bruxelles où la révolte se répand. Le 26 septembre 1830, l’indépendance de la Belgique est proclamée. La constitution prévoit l’établissement d’une monarchie constitutionnelle. Quelques mois plus tard, cette dernière s’incarne en Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, prince allemand qui devient donc roi des Belges. Six autres vont lui succéder, chacun devant faire face aux défis de son époque en veillant à respecter l’étroite marge de manœuvre limitant l’exercice de son rôle.
Paraissant à un mois d’intervalle en zones francophone et flamande, Les rois des Belges est le fruit d’un travail à huit mains : d’un côté, Jean-Philippe Thivet est associé, au scénario, avec Arnaud de la Croix, historien ; de l’autre, le dessinateur Vicente Cifuentes est apparié pour les couleurs à David De La Cal. Ensemble, ils brossent les portraits de sept souverains et d’une héritière, tout en racontant, par ce biais, quelques grands moments de l’histoire de la Belgique.
À la lecture, l’album se révèle contrasté. Comme l’indiquent les auteurs, la volonté première était d’éviter toute hagiographie, ainsi que toute critique partisane. Avec cela, la maison Le Lombard n’a pas masqué son souhait de voir cette bande dessinée servir, à terme, de matériel pédagogique dans les écoles du royaume. De fait, l’ouvrage navigue entre biographie dépassionnée et documentaire, explorant la fonction et le rôle des souverains en Belgique. Pour autant, il est tout de même question d’hommes et ce sont effectivement des figures ramenées à leur humanité, à leurs failles et leurs aspirations qui sont mises en avant.
De Léopold Ier à Philippe, chaque monarque bénéficie de neuf planches retraçant à grands traits sa vie, auxquelles s’ajoutent une double page explicative qui vient, fort heureusement, compléter ce qui a été montré, en soulevant quelques points délicats. En effet, l’angle d’attaque choisi pour aborder l’existence de ces rois surprend parfois. Ainsi, la passion d’Albert Ier (troisième souverain des Belges) pour l’alpinisme l’emporte sur les autres aspects de son règne tout juste mentionné – comme son engagement lors de la Première Guerre mondiale. Des sujets clivants – la Question royale, la colonisation puis la décolonisation du Congo – s’avèrent survolés dans les portraits en BD, mais reviennent plus tard, par rebond. Cela entraîne une chronologie quelquefois fluctuante dans la partie purement documentaire qui reprend des moments antérieurs pour éclairer des développements récents. Il faut aussi signaler une erreur dans l’arbre dynastique de la Maison de Belgique présenté en pages de garde : la reine Élisabeth, épouse d'Albert Ier, y serait née après son propre fils Léopold III…
Enfin, au niveau graphique, Vicente Cifuentes a joué la carte du photo-réalisme avec plus ou moins de bonheur. Certes, les souverains sont reconnaissables et plusieurs cases reprennent directement des images existantes. Quoique relativement expressif, le dessin apparaît quand même souvent figé. En revanche, certaines planches donnant à voir les grands chantiers de construction lancés par Léopold II ou les belles falaises du namurois au pied desquelles mourut son successeur sont assez réussies.
Sans être un indispensable et malgré quelques bémols, cet album documenté et se voulant aussi neutre que possible offre la possibilité d’en apprendre davantage sur le régime monarchique du Plat pays.
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