Entre censure nazie et résistance malicieuse, Le journal de Spirou vécut bien des aventures en 1943 !
Pour fêter la prépublication du tome 2 des Amis de Spirou, qui se déroule à cette même époque, la rédaction vous offre un saut dans le temps !
Article complet du Journal Spirou n°4526 du 8 janvier.
Spirou, en 1943, c'est :
• 152 000 exemplaires par semaine et 44 000 pour Robbedoes, le SPIROU flamand (chiffres de 1942).
• Un prix d'1 franc belge.
• Huit pages de jeux, de rubriques (comme celle du célèbre Fureteur !) et de héros aussi légendaires que Valhardi, Tif et Tondu ou… Spirou, graphiquement créé par Rob-Vel pour le premier numéro, en 1938.
Le succès fou des Amis de Spirou
Les Amis de Spirou – « AdS » pour les initiés – ont vraiment existé ! Ce club de fans du Journal de Spirou, créé en 1938, était un peu l'ancêtre des forums de mangas, où les fans ont pour pseudo le nom de leur héros préféré ! Chaque AdS, qui respectait la devise « Spirou, ami, partout, toujours ! », avait une carte de membre, où l'on trouvait un code d'honneur en neuf points ! En 1943, il y avait 50 000 AdS !
1943 : les nazis interdisent Le journal de Spirou !
Été 1943. Les nazis, qui occupent la Belgique, décident d'interdire la publication du Journal de Spirou ! Heu, mais pourquoi ?! Plusieurs hypothèses circulent… Peut-être parce que les nazis pensaient qu'imprimer un journal pour enfants était du gâchis à cette époque où le papier était rare. Mais il se dit aussi qu'ils soupçonnaient la rubrique du Fureteur et le code secret des AdS d'être des outils de communication avec la Résistance ! Pour Le journal de Spirou, l'aventure se termine donc au n°35, le 2 septembre 1943. Sauf que les héros ne meurent jamais...
Jean Doisy, rédac' chef résistant
Jean Doisy était le rédacteur en chef du SPIROU de l'époque, même si ce titre n'existait pas encore. Scénariste de Valhardi, il a aussi créé le Théâtre du Farfadet (spectacle de marionnettes présent dans Le Spirou d'Émile Bravo) ainsi que les Amis de Spirou. Il se cachait par ailleurs derrière la rubrique du Fureteur et faisait partie de la Résistance. Un héros de plus au casting de SPIROU, quoi !
Quand Spirou roule les nazis dans la farine... et Fantasio dans la teinture blonde !
En 1942, Dupuis a racheté l'identité graphique de Spirou à Rob-Vel et la confie ensuite à Jijé. Ce dernier réalise alors "Le pilote rouge", récit ou apparaît Fantasio, jusque-là cantonné au rédactionnel du journal. Jean Doisy, qui a créé Fantasio pour le Théâtre du Farfadet, n'est pas fan de sa nouvelle coupe de cheveux blonds ! Puisque Le journal de Spirou est interdit, mais pas les albums Dupuis, "Le pilote rouge" est publié, le 1er novembre 1943, dans un album collectif : "L'espiègle au grand cœur". Quand les nazis découvrent ce "vrai-faux Spirou", ils l'interdisent aussi. Ce qui n'empêche pas Dupuis de leur rejouer le même tour, en décembre 1943, avec L'almanach 1944. Ça aussi, c'est de la résistance !
Jijé, le Flash du dessin !
C'est avec Le journal de Spirou n°35, le dernier avant que les nazis ne l'interdisent, que Rob-Vel publie ses ultimes planches du groom, dans le récit "L'homme invisible". Rob-Vel, auquel Dupuis a racheté l'identité graphique de Spirou en décembre 1942, sera bientôt remplacé par Jijé, dessinateur de Valhardi, série scénarisée par Jean Doisy, alors rédacteur en chef. Histoire étonnante : sans Doisy et Jijé, Le journal de Spirou se serait probablement interrompu avant le n°35 ! Car Doisy avait obtenu du major Kreft, cadre nazi chargé de la surveillance de Dupuis, qu'il n'interdise pas Le journal de Spirou tant qu'il restait des planches déjà réalisées à publier... Kreft ayant accepté, Doisy demanda à Jijé de dessiner dans l'urgence le plus de planches possible. Ce dernier en livra quinze en trois jours, permettant au Journal de Spirou de gagner de précieuses semaines de publication ! Une obstination au service des lecteurs, mais aussi à destination des ouvriers de l'imprimerie Dupuis. Car, à l'époque, tout ouvrier inoccupé était envoyé en Allemagne pour le STO, le Service du travail obligatoire instauré par les nazis !
