Ayé, il est fini !
Tout seul – Chabouté
Un phare au milieu de nulle part, habité par un homme que nul n'a jamais vu, pas même les marins chargés du ravitaillement. La solitude depuis toujours. Comment fait-il donc pour la supporter, de quoi est donc faite sa vie ? Que lui reste-t-il donc en plus de son imagination ?
Chabouté nous a habitué à ses récits plein de poésie et d'humanité, le plus souvent en noir et blanc. Après « Construire un feu », adaptation colorée d'un nouvelle de Jack London à la narration extérieure, l'auteur retourne au noir et blanc qu'il maîtrise si bien pour un récit à nouveau très contemplatif et presque muet. Mais cette fois point de narrateur, les seules paroles prononcées le sont par les personnages.
La cadence de l'histoire ainsi que le découpage des planches nous emmène dans le récit au rythme des vagues qui se succèdent invariablement au fil des jours et des semaines. Le trait est plus vif et rude que dans « Construire un feu », brut et tranchant comme la solitude vécue par ce personnage seul dans son antre. Pour cela, le dessin est beau. Beau comme l'infini de la mer, comme un paysage tranquille et loin de tout. Beau comme le coeur de certains hommes dont on ne soupçonne parfois pas les qualités. Les plans sont toujours pensé avec la plus grande logique, suivant le regard de l'homme, le vol des oiseaux ou le sillage d'un bateau.
Le récit est certes souvent muet et contemplatif mais ce n'est pas pour autant que la BD, dense avec ses 368 pages, se lit vite. Au contraire, on se surprend à passer du temps sur chaque case, avançant doucement mais surement, telles les mouettes planant au dessus de l'eau, comme si nous nous laissions porter par le mouvement des vagues. Chabouté signe avec « Tout seul » un récit poétique, profondément humain aux graphismes magnifiques. Une oeuvre qui pourrait devenir incontournable dans un avenir proche.