B
ernard de Jonsac, petit attaché politique en poste en Turquie, tombe amoureux de Nouchi, une jeune entraîneuse hongroise qui l’a suivi sur les rives du Bosphore. Pour lui éviter l’expulsion, il l’épouse ; cependant, comme elle a horreur des hommes, l’union demeure chaste. Fille de bonne famille, la mélancolique Lélia est quant à elle éprise du fonctionnaire. En arrière-plan de ce chassé-croisé, une confrérie de fumeurs de hachich, amateurs de musique et piliers de bar.
Chacun des protagonistes porte un lourd passé : la noblesse du diplomate a perdu de sa superbe, violence sexuelle chez l’une et mal de vivre chez l’autre. Des histoires fondamentalement différentes, mais des destins qui se croisent dans le spleen et l’indolence.
Le scénario présente du reste des airs de fin d’époque. Les nonchalants ne le voient pas, mais tout près, un dictateur suscite l’inquiétude en Europe. Cela est toutefois bien loin de leurs préoccupations vaguement décadentes.
Jean-Luc Fromental adapte un texte de Georges Simenon dont la trame se révèle mince. Roman d’atmosphère, soit ; néanmoins, au final, ni les personnages ni les situations, même les plus dramatiques (tentatives de suicide, viols), n’arrivent à véritablement émouvoir le lecteur.
Les illustrations de Laureline Mattiussi apparaissent particulières. Plutôt simples et réalisées d’un trait gras, elles pourraient rappeler le dessin de Loustal, sans l’égaler. Elles détonnent avec le travail plus abouti d’Yslaire (La neige était sale) et Christian Cailleaux (Les passagers du Polarys), lesquels ont signé les deux premiers tomes de cette collection. Cela dit, la banalité des acteurs se montre cohérente avec leur psychologie. Les couleurs criardes, posées en à-plat, tranchent avec la morosité ambiante, sans pour cela dénaturer l’esprit du projet.
Même s’il ne convainc pas tout à fait, Les clients d’Avrenos mérite sa place dans la série des adaptations des « romans durs » de celui qui a longuement animé les aventures du commissaire Maigret.
Rien … il ne se passe rien !
Cette suite sans queue ni tête de bamboche turque à laquelle se joint un aristocrate français de fin de race n’a aucun intérêt.
Un jour soir à Ankara, Bernard de Jonsac, noble désargenté, mais ayant ses entrées à l'ambassade de France, rencontre Nouchi, jeune fille d'origine hongroise qui hante les bars et les nuits, déambule dans les rues. En quête de quoi ? D'un bon parti, peut-être. À défaut, d'un repas gratuit.
Bien sûr, elle n'est pas la plus jolie. Elle ferait même pâle figure face à ses coreligionnaires, plus mûres, plus expérimentées, plus élégantes. Tant pis. Elle saura se montrer enjôleuse, séduire à sa façon, en jouant du mystère, et de son air d'innocence.
Les clients d'Avrenos est le récit de leur rencontre et de leur parcours, tantôt côte à côte, tantôt éloignés par les remous et autres aléas d'une existence instable. Au fil de leurs déambulations, ils croiseront des personnages étonnants, navigueront dans des milieux quelque peu interlopes, prendront part à des somptueuses fêtes. Et parfois tomberont des nues.
"Ici, on laisse couler la vie. Elle est plus forte que nous."
Ces mots, lâchés en fin d'album dans un salon feutré, résument bien l'histoire de Nouchi et Jonsac, voire, à tout prendre, l'œuvre entière de Simenon. Souvent, dans les romans de l'écrivain belge, les décors et les personnages ont bien plus d'importance que l'intrigue. La fin n'en est pas vraiment une. Tout reste flou. Cela, Fromental l'a bien compris, lui qui relègue ses héros au rang de spectateurs. Et Mattiussi également, elle qui, loin des ambiances brumeuses généralement associées aux enquêtes de Maigret, s'empare avec volupté de la Turquie et de sa chaleur.
Le dessin surprend, au premier abord. On s'y perd bien vite. Entre un trait semble-t-il hésitant et des couleurs flamboyantes, l'immersion est pourtant totale. Mais le voyage doux-amer.